Photo C. Hily
Les bases écologiques
Le projet Regain repose sur le postulat que l’effondrement de la biodiversité mondiale en cours ne peut être contré que par des actions complémentaires, concrètes et volontaristes à tous les niveaux possibles de l’organisation de la société, pour rétablir des écosystèmes fonctionnels, c’est-à-dire avec un nombre de composants (populations d’espèces) et d’interactions (relations prédateur-proie, compétition trophique, compétition spatiale) suffisants.
Dans le cadre de Regain nous nous adressons au niveau des propriétaires de terrains privés ou d’entreprises, aux gestionnaires d’établissements publics et semi-publics urbains et péri-urbains, pour améliorer la biodiversité sur laquelle ils peuvent agir dans l’écosystème de leur jardin ou espaces verts.
Les bases du fonctionnement et dysfonctionnement des écosystèmes…
… permettent de comprendre l’effondrement de la biodiversité...
... et d'agir à son niveau sans attendre...
... dans la dimension "écosystème" de l'espace Regain
Un écosystème en bonne santé est dans un équilibre dit «dynamique» dans le sens où les effets de chaque petite fluctuation (par ex. baisse ou augmentation d’une population de rongeurs, baisse ou augmentation d’une ressource en graines) liée aux aléas naturels sont rapidement compensés par des réajustements en cascade entre les composants de l’écosystème. On sait que plus l’écosystème est complexe et diversifié, plus facilement les processus de régulations se mettront en place, et plus vite l’équilibre sera retrouvé après une perturbation, on parle de résilience.
Les agressions répétées comme la pollution, la destruction des sols par l’agriculture intensive, les prélèvements par la chasse ou la pêche, la destruction des prédateurs, compétiteurs des chasseurs et pêcheurs, la perte des habitats permettant la reproduction, l’alimentation etc…, l’arrivée des espèces invasives, conduisent non seulement à affaiblir les populations, mais aussi à affaiblir les capacités de régulation de l’écosystème, en diminuant le nombre et la force de ces interactions.
A un certain stade de déstructuration et de simplification de cet ensemble d’interactions un mécanisme de cascade s’enclenche qui entraine une désorganisation telle que les processus naturels de régulation sont impuissants à rétablir l’équilibre. C’est alors l’effondrement du système qui s’enclenche et que l’on constate aujourd’hui, avec les exemples médiatisés (à juste titre) de la disparition des passereaux et des insectes dans les espaces agricoles.
La seule solution dans ce cas est de mener des actions volontaires pour compenser les pertes d’espèces, d’habitats, de ressources partout où il est possible d’agir, tout en agissant pour tarir les sources des agressions et pressions menées par les activités humaines.
Dans les pays européens les outils traditionnels de conservation et de protection (réserves, parcs) mis en place par les structures régionales et nationales centrées sur les espèces emblématiques, et soutenues par les associations, se sont malheureusement avérés largement insuffisants pour empêcher ce processus d’effondrement généralisé qui touche toutes les espèces ou presque, y compris celles considérées comme ordinaires, communes et abondantes.
Une grande partie de ces espèces ont été la cible directe de mesures d’éradication (pesticides, herbicides, piégeage, …) car considérées comme nuisibles aux activités humaines, compétitrices des activités d’élevage, de culture, de chasse ou de pêche. Une autre partie des espèces, bien que non ciblées, sont en quelque sorte des dommages collatéraux et ont été également éliminées par ces actions d’éradication. En oubliant, niant ou méconnaissant la place et les multiples fonctions que ces espèces jouaient dans l’équilibre des écosystèmes dans lesquels elles vivent, leur quasi-disparition a induit par cascade, l’effondrement d’autres espèces qui en dépendaient, dont de nombreuses auxiliaires de l’homme, essentielles pour leur activité comme les insectes pollinisateurs des cultures, les abeilles, les prédateurs des ravageurs des cultures, les oiseaux, etc…, preuves s’il en était besoin, que l’homme fait bien partie et doit être systématiquement considéré comme partie intégrante de ces écosystèmes.
C’est en réalité toutes les bases assurant le fonctionnement des écosystèmes qui se sont ainsi effondrées. Le niveau d’abondance et de biomasse de ces espèces (fourmis, moucherons, abeilles, vers de terre, etc…), que l’on nomme « espèces-fourrage » dans le cadre des écosystèmes marins, n’est désormais plus suffisant pour maintenir le bon fonctionnement des populations qui en dépendent pour leur nourriture.
La démarche écologique efficace est alors de commencer par réamorcer ce flux d’énergie qui permet le fonctionnement du moteur de l’écosystème, en favorisant le retour en abondance des espèces ordinaires qui constituent cette base, et qui vont induire un redémarrage progressif des interactions biologiques rompues ou affaiblies et donc au final un regain de la biodiversité.
Même si une tendance se dessine pour une agriculture biologique plus respectueuse des sols et de la biodiversité, elle reste encore mineure face aux entreprises agricoles traditionnelles, il ne faut pas trop espérer que ce soit de ce côté que les actions puissent inverser à court terme la tendance actuelle à l’effondrement de la biodiversité, les lobbys agricoles, agroalimentaires et pétrochimiques jouant un rôle de verrou. Du côté des réserves et parcs naturels gérés par l’état et les collectivités territoriales, les espaces sont quasiment figés et de bien trop faibles surfaces, et les réglementations bien trop peu contraignantes, pour espérer enrayer l’effondrement dans une grande partie du territoire. Même les écosystèmes forestiers sont très dégradés et sont remplacés par des monocultures d’arbres, ou bien ont perdu les composantes essentielles de régulation comme les grands herbivores et les prédateurs. Les lobbys de la foresterie et de la chasse ne laissent vraiment pas la place à l’espoir d’y voir une possible restauration de la biodiversité à court ou moyen termes.
Deux composantes d’espaces non artificialisés ou bétonnés qui restent hors de contrôle des lobbys, parce que très morcelés et diversifiés et aux multiples propriétaires, sont les jardins des particuliers, parcs, espaces verts des établissements publics, des collectivités dans les zones urbaines, péri-urbaines, mais aussi les espaces agricoles non conventionnels, les délaissées vertes des voies de circulation. Elles composent avec les friches, petits boisement et fonds de vallées, ce que l’on nomme désormais les corridors écologiques ou la trame verte et bleue, un vaste réseau plus ou moins connecté qui doit permettre aux espèces sauvages animales et végétales d’éviter un isolement définitif qui les condamnerait à disparaitre à court terme.
Comme il a été dit précédemment, il y a en permanence dans chaque écosystème et donc dans chaque jardin, une multitude de processus de régulation en action. Le jardinier ou le gestionnaire d’espaces verts aura la possibilité d’agir à son niveau sur quelques-uns de ces processus (améliorer la pollinisation par exemple) et de ces composantes (comme augmenter la population d’insectes butineurs) sur la surface dont il est le gestionnaire. C’est la synergie des actions individuelles de chacun qui permettra d’agir sur d’autres composantes et d’autres interactions, qui dépassent l’échelle individuelle (par exemple dans un quartier, la somme des surfaces de jardins ayant des petites mares sera suffisante pour maintenir une population de certaines libellules) et de participer efficacement à renforcer cette trame verte et bleue qui est la véritable clé pour le maintien et la restauration de la biodiversité.
La démarche Regain n’est ni la seule ni la première à proposer dans un cadre associatif des actions pour favoriser la biodiversité ordinaire. Sa principale originalité est sans doute de proposer une approche intégrée permettant de prendre conscience de la dimension « écosystème» des jardins et espaces verts et d’agir dans ce contexte tout en l'insérant dans le contexte plus large d'un réseau d'interactions participant aux efforts régionaux et nationaux de mise en place des corridors écologiques (ou trames verte, bleue, noire), connectés entre eux et avec les réservoirs de biodiversité dite "d'intérêt patrimonial" .
A chacun maintenant de mettre en pratique ces notions théoriques par une nouvelle gestion de son jardin ou des espaces verts, et par des aménagements adaptés, sans oublier d’observer les résultats de ses propres actions par un suivi de la biodiversité au fil des saisons.