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Photo C. Hily

Éditorial

Vers de nouveaux espaces sources de biodiversité

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Depuis plusieurs années le jardinage a retrouvé un dynamisme tout à fait exceptionnel, avec l’implication d’un grand nombre de citoyens toutes classes sociales confondues. Cette évolution historique s’explique par plusieuurs facteurs qui ont fait converger peu à peu différents types de jardins très spécifiques à l’origine, jardins-nécessité des jardins ouvriers, jardins d’agrément ou jardins vitrines des maisons bourgeoises. Ils avaient en commun d’être ordonnés, tracés au cordeau, où le sauvage était proscrit. Dans les années 70-80, sont venus peu à peu les jardins-passion, les jardins-plaisir « à l’anglaise », où le jardinage est presque devenu un mode de vie, qui a évolué finalement vers un modèle plus mixte réunissant ces différents types dans une approche plus écologique et respectueuse de l’environnement. Cette histoire des jardins que l’on retrouve dans l’ouvrage de Claude Marie Vadrot « La France au jardin » écrit en 2009, se termine sur ces « jardins-écologie » qui, selon la sensibilité de chaque jardinier, possèdent bien sûr une part plus ou moins grande de potager, espace horticole, espaces de détente, mais qui ont pour dénominateur commun non seulement la passion et le plaisir de jardiner, mais aussi le désir de respecter la nature et l’environnement pour soi et ses proches. Cette nouvelle tendance se manifeste en particulier par l’abandon les traitements chimiques, certes aujourd'hui imposé par la loi, et la prise de conscience qu’il est important d’avoir d’autres rapports avec la nature qu’une domination totale et un contrôle absolu. Ainsi dans ce début des années 2000 le « bio » devient un mot qui n’est plus synonyme de doux écolos rêveurs mais une réalité de plus en plus revendiquée, et une évidence, pour de plus en plus de jardiniers, y compris de jeunes agriculteurs qui ont fait le choix d'une production de qualité dans le respect de l'environnement. Cette tendance se concrétise également dans les nouveaux jardins potagers sociaux qui fleurissent partout, jardins partagés, jardins collectifs et associatifs, qui ont autant ou plus d’importance au niveau du bien-être et des liens sociaux qu’ils permettent que la production potagère elle-même. De même de plus en plus d'initiatives locales tendent à des modifications des pratiques de gestion des parcs et jardins publics dans les villes, ou des bords de routes,  plus respectueuses de l'environnement.

 

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Depuis cette publication une nouvelle étape se dessine aujourd’hui notamment au niveau des jardins des particuliers, que l’on peut nommer « jardins-biodiversité ». Elle est initiée tout d’abord par les nouvelles techniques de jardinage en particulier la permaculture. Cette technique de culture intégrée et douce, valorise les plantes et animaux sauvages des jardins pour s’en faire des alliés et réduit drastiquement les perturbations du sol liées au bêchage. Les adventices et débris de tailles sont utilisés pour faire du paillage, de l’engrais naturel du compost, des purins, tandis que insectes pollinisateurs, dévoreurs de pucerons, vers de terre, oiseaux et mammifères insectivores et consommateurs d’escargots et de limaces, sont acceptés comme des alliés des jardiniers qui leur facilitent leur installation au jardin. Sous l’impulsion des associations,  une meilleure information est accessible sur l’importance de ces interactions en œuvre dans les écosystèmes des jardins, de la biodiversité génétique et des variétés anciennes oubliées…

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La prise de conscience de l’effondrement catastrophique de la biodiversité, suite à la diffusion au grand public des résultats des derniers travaux scientifiques le démontrant clairement, est un deuxième élément déclencheur. Cet effondrement est avéré non seulement à l’échelle mondiale au niveau des espèces rares et exotiques mais  à l’échelle locale, celle de la faune et de la flore que tout un chacun côtoie chaque jour, que l’on nomme la biodiversité ordinaire. Ce sont les oiseaux communs, les insectes de nos jardins et nos campagnes dont les populations se sont effondrées sous les multiples pressions des activités humaines avec des conséquences en cascades, dans une spirale incontrôlée. Quelques exemples et quelques chiffres diffusés dans les médias ont agi comme un électrochoc, comme l’exemple de la quasi-absence d’insectes écrasés sur les pare-brises des voitures aujourd’hui alors qu’il y a encore peu, il fallait s’arrêter pour les nettoyer après quelques centaines de km. Les chiffres de diminution des passereaux communs ont fait prendre conscience à beaucoup qu’ils n’entendent plus d’oiseaux chanter le matin en se levant ou que sur les mangeoires installées pour les oiseaux en hiver il y a de moins en moins d’espèces différentes et d’individus.

Aujourd’hui de nombreux citoyens sont prêts à agir pour contrer cette spirale d’effondrement, ayant pris conscience que le devenir de l’homme et des autres espèces vivantes sont liés. Pour soi et les siens et pour les autres espèces, il est nécessaire d’inventer une nouvelle approche de la gestion de notre environnement proche, dans les jardins, les parcs, les espaces périurbains, les nouvelles exploitations agricoles respectueuses de l'environnement, pour accueillir les espèces qui peuvent s’y réfugier, chassées des campagnes et des forêts par les pratiques de l’agriculture intensive, et des « cultures » d’arbres forestiers monospécifiques. Il devient nécessaire que ces « espaces verts », couvrant dans les pays développés des surfaces bien plus importantes que les quelques réserves et parcs naturels, deviennent des espaces partagés entre l’homme et les autres êtres vivants, où la tolérance et le respect soient des valeurs fondamentales, où même les espèces non auxiliaires du jardinier y trouvent leur place.

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Le projet Regain-Biodiversité est né de cette prise de conscience et a pour objectif d’aider à agir et d’accompagner celles et ceux qui veulent lutter pour inverser cette spirale d’effondrement de la biodiversité, avec leurs moyens individuels certes limités, mais avec l’espoir que tout n’est pas perdu, et que la halte bienvenue proposée aux espèces dans leur propre jardin ou dans l'espace vert dont ils ont la gestion soit un point de redémarrage, une petite source de biodiversité qui fera ruisseau avec celles des jardins voisins, et, il le faut, fleuve dans un vaste réseau fonctionnel de corridors écologiques à l’échelle de notre région Bretagne.

Il est enfin important de souligner que ce projet, loin d'exclure l'humain des espaces verts et des jardins, a aussi vocation à reconnecter l'homme à la nature la plus proche et la plus accessible, et favoriser ainsi le bien-être et la santé que nous procure le partage respectueux de la terre dont nous avons la gestion avec les espèces  vivantes non humaines.

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 Christian Hily, initiateur bénévole du projet      

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